Ce texte est la version écrite de l’épisode 41 de mon podcast Sologamie, qui est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute : https://shows.acast.com/sologamie
Il y a trois semaines, j’ai rediffusé l’épisode “Je sors deux ans avec un homme violent” dans lequel je raconte les violences que m’a infligées mon ex quand j’avais 20 ans. Dans l’épisode du jour, je vous raconte en longueur cette relation, mais également les autres. J’ai passé au moins six ans en couple hétérosexuel. De mes 16 à mes 24 ans. Avec plusieurs hommes différents. Avec quelques rares périodes de célibat entre chaque relation. Je trouve important de témoigner de ce passé (pas si sombre) pour éclairer ma pansexualité actuelle. Je ne suis pas attirée uniquement par les hommes, d’ailleurs je ne l’ai jamais été. Mais j’ai passé six ans avec eux pour correspondre au modèle hétérosexuel dominant, pour obtenir leur validation et leur soutien, pour vivre une sexualité “normale” et régulière. Difficile de comprendre ma misandrie et mon célibat politique actuel si vous ignorez mon passé hétéro. Alors c’est parti, je vous raconte tout.
Quand j’étais au collège, entre 13 et 15 ans, j’ai dragué quelques mecs (et vice versa) mais ce n’est jamais allé plus loin. Pendant les vacances d’été avant mon entrée au lycée, j’ai sympathisé avec un garçon sur la plateforme de blogs Skyblog. J’avais 15 ans. On s’est échangé des commentaires sur nos blogs respectifs, puis des SMS sur nos téléphones de l’époque. J’ai passé une bonne partie de l’été à lui parler et à “tomber amoureuse” de lui. Je ressentais des papillons dans le ventre. Je n’avais plus faim et je me nourrissais très peu pendant les repas. À l’époque, j’interprétais ces sensations comme des signes de mon amour pour lui. Quinze ans de féminisme plus tard (j’ai aujourd’hui presque 30 ans), je sais qu’il s’agissait de dépendance affective et de signaux d’angoisse, d’anxiété, de peur. C’était ma première histoire d’amour et le garçon gardait tout le contrôle. Je raconterai en longueur cette aventure dans un autre épisode car ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Notre histoire fut très brève mais vous devez savoir qu’il s’agit de mon premier coup de cœur et de mon premier chagrin d’amour. Je me suis sentie très déçue, trahie, triste, déprimée et en colère quand il m’a quittée. Nous n’avons jamais “couché” ensemble mais j’ai fait mon premier baiser à ce garçon. Il avait plus d’expérience que moi et m’expliquait la vie. Je sais aujourd’hui qu’il pratiquait le mansplaining. Il se vantait de multiplier les conquêtes. Il considérait les filles comme des objets. Il n’avait que 14 ans. Ma première histoire d’amour fut une histoire toxique. Je la détaillerai dans un prochain épisode, c’est promis.
À partir de cette rupture (subie), j’ai décidé de ne plus me laisser faire. À partir de ce moment, ce serait moi qui larguerais les mecs, et pas l’inverse. J’ai toujours tenu cet engagement par la suite, vous allez le voir.
L’année suivante, j’ai vécu une autre histoire – sans toxicité cette fois – avec un autre garçon, qui était plus âgé que moi. Elle s’est terminée très vite. Nous ne venions ni de la même ville ni du même milieu social. Nous n’avions aucun point commun en fait.
En 2011, quand j’avais 16 ans, j’ai rencontré le mec qui allait devenir mon “vrai” premier petit copain. On est resté·es trois ans ensemble. On s’est mis·es en couple après avoir passé six mois dans la même classe, en première littéraire, dans le même lycée versaillais. On a appris à se connaître. On s’est bien marré·es. On a commencé à discuter par textos et bientôt, les textos ne s’arrêtaient plus. Je suis “tombée” amoureuse de lui, et vice versa. Je l’ai embrassé sur les quais de la Seine, à Paris, un après-midi d’avril. Cette fois, j’avais plus d’expérience que lui. J’étais moins timide que lui. J’ai fait tous les premiers pas. Ce garçon était catholique pratiquant. Il allait à la messe tous les dimanches et il refusait de coucher avec moi avant le mariage. Ou plus précisément, il refusait que son pénis entre dans mon vagin avant le mariage. Mais rapidement, on a pratiqué le sexe avec les doigts et avec la bouche. On est devenu·es expert·es en fellation / en cunnilingus. On s’entendait relativement bien mais on se disputait souvent. On n’avait pas beaucoup de points en commun non plus. On voulait tous·tes les deux devenir journalistes, mais c’est tout. On n’écoutait pas la même musique, on ne lisait pas les mêmes livres, on ne rêvait pas de la même vie. Quand je suis partie à Lille pour démarrer mes études à Sciences Po, il a emménagé à Paris pour commencer une licence en histoire à l’université de la Sorbonne. Après quelques années séparé·es, le fossé s’est ouvert à mesure que je suis devenue féministe et que j’ai rencontré des nouveaux hommes qui m’attiraient à Lille. On a fini par pratiquer le sexe avec pénétration mais il culpabilisait à chaque fin de rapport. Il déprimait car il pensait avoir commis un péché. Moi, je ne culpabilisais pas du tout mais je vivais mal de le voir comme ça. Par la suite, quand j’ai couché avec d’autres mecs et que j’ai vu qu’ils gardaient le moral après l’acte, j’étais surprise. Vers la fin de ma deuxième année à Sciences Po Lille, je l’ai quitté parce que je ne l’aimais plus et que j’avais envie de fréquenter d’autres gars. J’ai commencé par instaurer une “pause” dans notre relation. Pendant cette pause, j’ai pécho trois autres mecs. Puis on s’est appelé·es et je l’ai largué par téléphone. Il semblait terrassé par le chagrin. Il ne voulait pas y croire. Il insistait pour qu’on reste ensemble. Alors je lui ai dit que j’avais couché avec d’autres hommes pendant la “pause”. Je lui ai brisé le cœur. Plus tard, il m’a envoyé des lettres pour se plaindre de mon choix et sous-entendre que j’étais devenue une salope depuis que j’étais à Sciences Po. Je n’ai pas les lettres sous la main au moment où je prépare cet épisode de podcast, mais c’est pépite.
À 19 ans, je me retrouve célibataire après trois ans de couple hétéro. Mais plutôt que d’en profiter pour vivre ma meilleure vie, je veux vite vite me remettre en couple avec un homme. Je jette mon dévolu sur le seul mec qui veut bien de moi, un gars avec qui j’ai couché pendant la fameuse “pause”. C’est l’homme violent dont je parle dans l’épisode de mon podcast intitulé “Je sors deux ans avec un homme violent”. Il est étudiant en deuxième année à Sciences Po Lille, comme moi. Les premiers mois, on couche ensemble et c’est fabuleux. On tombe amoureux·ses et on se voit autant que possible. On habite dans la même ville donc c’est pratique. Le problème, c’est qu’on quitte ensuite Lille pour passer notre été loin l’un·e de l’autre : moi à Verdun (Meuse) pour un stage dans une rédaction du journal L’Est Républicain, lui chez ses parents en Bretagne. Ensuite, on doit partir étudier un an dans un pays étranger, c’est obligatoire dans le cadre de nos études. Moi, je pars à Moscou en Russie et lui, à Varsovie en Pologne. Vous allez me dire, c’est pas si loin, Moscou et Varsovie. Bah si, c’est 1200 kilomètres de distance. Ça nous change de Lille. Quelques semaines après notre “mise en couple”, le mec me quitte. On se remet ensemble. J’arrive à Moscou. Je couche avec un autre mec. Je le requitte. Les mois passent. Son meilleur ami meurt dans un accident en Argentine, où il passait son année d’échange universitaire. On se remet ensemble. On se retrouve à Riga, en Lettonie. On se retrouve à Varsovie, chez lui. On se retrouve à Kiev, en Ukraine. Mes parents paient tous ces trajets en bus ou en avion. Mon copain est parfois violent avec moi, comme je le raconte dans l’épisode “Je sors deux ans avec un homme violent”. Il utilise la violence psychologique, la violence verbale et la violence physique. Mais je reste avec lui. Je lui pardonne à chaque fois. Je me dis que c’est aussi de ma faute, peut-être. Je ne vais plus en soirée avec lui, pour éviter sa violence quand il est ivre. Quand on revient à Lille après notre année à l’étranger, on prend chacun·e un appartement et on reprend notre vie d’étudiant·es. On se dispute fréquemment. Nous n’avons pas beaucoup de points communs non plus. Lui aussi veut devenir journaliste. De temps en temps, on se sépare puis on se remet ensemble. Après deux ans de relation, je le quitte définitivement parce que je ne l’aime plus. J’instaure également une “pause” pendant laquelle je couche avec d’autres mecs. Quand je lui annonce notre rupture définitive par téléphone, il insinue que je suis une salope, lui aussi.
Ensuite, je cherche désespérément à me remettre en couple avec un homme. Pendant un an, je cherche “l’amour” sur les applications de rencontre mais j’échoue. Finalement, je rencontre un nouvel homme dans un centre de rééducation en région parisienne, alors que je viens de me faire opérer du genou après une rupture du ligament croisé (faut que je vous enregistre un épisode sur mon histoire dans le rugby, aussi). J’ai alors 23 ans. Je passe deux mois dans ce centre et je couche dès la première semaine avec ce mec qui a huit ans de plus que moi. Je raconte cette expérience dans l’épisode “Je fais l’amour à l’hôpital” de mon podcast Marie Sans Filtre. Vous connaissez ma longue histoire de dépendance affective à l’égard des hommes (sinon, écoutez l’épisode “Pourquoi je tombe amoureuse des connards”). Là encore, je m’accroche comme une moule à son rocher à ce mec avec lequel, encore une fois, je n’ai AUCUN point commun (lui ne veut pas devenir journaliste sniff), juste pour me remettre en couple. Je veux son amour, sa validation et son pénis. Il finit par céder à mes sirènes et on se met “en couple”. Enfin le mec vit dans un tipi sur la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes et moi dans un studio de 15m² à Paris. On se voit de temps en temps, chez lui ou chez moi, après notre sortie respective du centre de rééducation. Je crois que je l’aime mais je m’ennuie beaucoup avec lui. Les silences sont pesants. Il n’est pas très bavard. Je peine à trouver des sujets de conversation. Je fais preuve de validisme à son égard (c’est un mec handicapé) et il me le fait remarquer, à raison. Finalement, je le quitte, lui aussi, un an après notre rencontre, car je ne ressens plus d’amour à son égard. Je mets fin à notre histoire par téléphone. On reste en “bons termes” mais je prends rarement de ses nouvelles.
J’ai 24 ans quand je me retrouve célibataire, après six ans de couple hétérosexuel. Je tente encore une fois de trouver un nouveau mec. J’écume les applications de rencontre à la recherche de celui qui voudra bien de moi. Mais cette fois, ça ne marche pas. Je me sens de plus en plus féministe et misandre. J’ai les cheveux courts, je pars en voyage tous les six mois et j’affiche les mecs violents sur internet. Bizarrement, les hommes ne se bousculent pas pour se mettre en couple avec moi. Je fais mon coming out pansexuel et je cherche à pécho des personnes sexisées mais rien ne se passe non plus de ce côté-là. Je suis célibataire depuis maintenant cinq ans et demi.
Aujourd’hui, en 2024, je refuse de relationner avec les hommes cisgenres et hétérosexuels, après les avoir “chassés” pendant une bonne partie de ma vingtaine. J’ai compris qu’ils m’ennuient profondément et n’ont rien à m’apporter, sauf du sexe de qualité moyenne. Nous n’avons pas de centres d’intérêt en commun. Nous nous disputons beaucoup. Nous discutons peu des sujets qui m’intéressent vraiment (le féminisme, par exemple). D’ailleurs, je n’ai pas d’amis hommes. J’en ai eu très peu dans ma vie. Je privilégie la compagnie des meufs. Donc voilà, mes six années en couple hétéro (mais sans vivre ensemble ni faire des projets) sont passées, vite et lentement à la fois. Certaines relations étaient violentes, d’autres non. Certains ex me manquent (si, si), d’autres non (la majorité). J’ai recouché avec certains après notre rupture et SPOILER ALERT : ça s’est bof passé. Je ne recommande pas l’expérience.
Dans de prochains épisodes de mon podcast Sologamie, je vous raconterai comment et pourquoi j’ai “trompé” tous ces hommes pendant que nous étions en couple. Je diffuserai aussi un épisode sur ma bi/pansexualité et le polyamour.
Marie Albert
Aventurière, journaliste et autrice
20 février 2024