Mon podcast Marie Sans Filtre est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute, ou à cette adresse : anchor.fm/mariesansfiltre
J’ai toujours rêvé de vivre à Paris. J’ai grandi dans un petit village des Yvelines qui s’appelle Châteaufort, à quelques kilomètres de Versailles et encore plus de Paris (environ une vingtaine). Seulement 1500 personnes y habitaient. J’y étais très heureuse pendant mon enfance mais je m’y ennuyais à l’adolescence. Je rêvais de la ville. Je voulais devenir journaliste et j’étais déjà très curieuse. Je devais prendre le bus tous les jours pour aller au collège à Buc puis au lycée à Versailles. Je passais des heures dans les transports en commun. Parfois, le bus ne passait pas et je demandais à mes parents de m’emmener en voiture en cours. Mes amies vivaient dans d’autres villes ou villages donc je ne traînais que rarement avec elles après les cours. Je devais prendre le bus pour rentrer chez moi. Bref, je me sentais isolée à Châteaufort et je rêvais d’une vie parisienne. C’était décidé : quand je serais grande, je serais journaliste à Paris et je vivrais dans un appartement parisien.
J’ai tout mis en œuvre pour atteindre cet objectif. J’ai bien travaillé à l’école, fait tous mes devoirs et respecté les professeur·ses. J’ai obtenu mon bac littéraire avec la mention très bien et j’ai continué à jouer à la “bonne élève” (mais cette fois je n’étais plus la “première” de la classe) pendant mes études supérieures. J’ai passé le concours et intégré Sciences Po Lille, puis l’École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille). Je vivais à Lille, pas à Paris, mais c’était un premier pas vers mon objectif parisien. J’étais heureuse dans mon petit studio lillois. En troisième année d’étude, je suis partie à Moscou, en Russie, pour un échange universitaire d’un an, dans le Sciences Po russe appelé MGIMO. Je vivais dans un dortoir lugubre, plus précisément dans une chambre en colocation avec une étudiante allemande plus âgée que moi et qui me maltraitait psychologiquement, dans un immeuble de treize étages dédié aux étudiant·es étrangèr·es. Je raconte cette année russe dans l’épisode 41 de mon podcast Marie Sans Filtre, intitulé “Je pars vivre un an en Russie”. Je détestais Moscou que je trouvais trop grande. Le dortoir était situé en banlieue de la capitale, il fallait une heure de marche et transports en commun pour rejoindre le centre-ville.
En dernière année de master à l’ESJ Lille, je profite d’une offre d’alternance à l’Agence France-Presse pour rejoindre Paris, enfin ! Après un énième concours, je suis sélectionnée par la prestigieuse AFP, où je fais un an d’apprentissage, dans divers services. Je passe un mois sur deux à Lille, un mois sur deux à Paris. Quand je travaille à l’AFP, je dors chez mes parents en lointaine banlieue donc je me tape trois heures de transport en commun par jour et ce n’est toujours pas satisfaisant. Mon travail à l’AFP ne me plaît pas vraiment, mais je n’ai jamais ADORÉ mes périodes de stages dans d’autres rédactions (multiples et variées) donc je ne m’inquiète pas. Le travail, c’est pas l’éclate, je m’y ferai.
En juin 2017, libération, je termine mes études à l’ESJ Lille et je peux enfin rejoindre Paris, définitivement. Je quitte mon studio lillois et je me mets en quête d’un studio parisien, pour un budget de 500€ mensuels. Je trouve une “boîte à chaussures” de 15m² dans le Xe arrondissement de Paris (près du métro Stalingrad) pour 550€ par mois, charges comprises. J’ai même un mini balcon ! Je meuble le tout avec l’aide de mes parents et je m’installe à Paris pour de bon. Je suis indépendante financièrement. Mon apprentissage à l’AFP se transforme en CDD à répétition. Je ne suis toujours pas heureuse au travail mais je me souviens que mes premiers mois dans la capitale sont exaltants. Je peux sortir faire la fête avec mes ami·es, pécho n’importe quel mec qui passe, le ramener pour baiser chez moi et visiter toute sorte de quartiers et monuments historiques la journée. Les restaurants véganes sont partout, je fais mes courses dans des magasins bio ou “zéro déchet”. Je prends tous les métros, les bus et je peux voyager facilement dans toute la France, en partant de Paris en train. Je ne prends plus l’avion depuis l’année 2016.
Quand je pars faire une randonnée ou mon tour du globe en cargo, je sous-loue sans mal (et illégalement) mon studio à des jeunes qui cherchent un appartement. Car rapidement, Paris m’angoisse. Je trouve l’air très pollué. Ma rue est très bruyante (rue du faubourg Saint-Martin) et je ne peux pas dormir la fenêtre ouverte (mais je crois que je m’habitue au bruit au bout d’un moment). Pendant les canicules, je meurs de chaud dans ma “boîte à chaussures”. J’échange peu avec mes voisin·es. Je trouve les Parisien·nes stressé·es, pressé·es. Les gens tirent la gueule dans le métro, tout le monde court partout. Je cherche de plus en plus la nature, les plantes, les animaux, qui ont pratiquement disparu en ville (en tous cas je ne les vois pas beaucoup).
En 2018, je subis une tentative de viol dans les toilettes de la bibliothèque de mon quartier (cf. l’épisode 3 de ce podcast, “Il tente de me violer : je porte plainte »). Quelques mois après, je subis le harcèlement sexuel d’un collègue de l’AFP (cf. l’épisode 15, “Mon collègue me harcèle : je me défends »). Je m’ennuie au travail et je souffre de ce harcèlement. Quand je le dénonce à ma hiérarchie, elle ne sanctionne pas le harceleur. Je dois remuer ciel et terre pour changer de service. À la fin de mon CDD, il n’est pas renouvelé, contrairement aux précédents. L’AFP ne m’a plus jamais proposé de CDD ensuite. De mon côté, je réalise que mon travail de journaliste en agence de presse ne m’a jamais plu et que je suis dégoûtée par cette entreprise après sa gestion calamiteuse du harcèlement sexuel dont j’ai été victime. Je deviens journaliste pigiste.
La vie à Paris m’est de plus en plus douloureuse. Je me sens en décalage avec le rythme métro-boulot-dodo de mes concitoyen·nes. Je n’ai plus d’horaires fixes de boulot. Je n’ai plus besoin de Paris pour travailler. Payer 550€ pour une “boîte à chaussures” alors que je n’ai plus de salaire régulier me semble intenable et ridicule. Je profite de la crise du coronavirus arrivée en France en mars 2020 pour faire mes bagages et quitter définitivement Paris. Je rends les clés de mon studio en mai 2020. Je passe le premier confinement dans la maison de mes parents en banlieue parisienne, qui me paraît de nouveau attrayante. Je rêve de vivre à la campagne. Au fur et à mesure de mes aventures à pied sur le chemin de Compostelle puis le Survivor Tour (tour de France à pied contre les violences sexistes), je m’attache à la mer. Je dis préférer la forêt à la mer mais je passe des étés entiers à longer l’océan.
Je passe l’hiver 2020-2021 à Alençon, petite ville de l’Orne en Normandie, avec ma sœur Clara qui fait un service civique dans une association locale. Je passe l’hiver suivant chez mes parents, croyant bon de ne plus payer de loyer (je gagne très peu d’argent et je passe mes étés à voyager). C’est une mauvaise idée et je raconte cette expérience traumatisante dans le dernier épisode de Marie Sans Filtre intitulé “J’arrête de parler à ma mère”.
Finalement, je fais une demande de logement social dans plusieurs départements situés au bord de la mer (Manche, Finistère, Morbihan, Landes et Pyrénées-Atlantiques) et je reçois une première proposition de logement à Cherbourg en septembre 2022. J’emménage donc dans la Manche en novembre dernier, après avoir visité et signé pour louer le palace dans lequel j’écris l’épisode que vous lisez actuellement. Il s’agit d’un appartement de 55m² situé au troisième étage d’un HLM construit à la fin des années 1970 dans un quartier très calme de Cherbourg-en-Cotentin. Le loyer s’élève à 300€ charges comprises mais il faut compter entre 100 et 150€ d’électricité en plus par mois, car c’est une passoire thermique. Heureusement que l’aide personnalisée au logement versée par la CAF couvre une grande partie du loyer. Je me plais beaucoup à Cherbourg depuis que j’ai emménagé en novembre 2022. Je me gèle dans mon appartement (je porte trois paires de chaussettes, deux pantalons, deux pulls et une couette sur mes genoux quand je travaille à mon bureau, car je suis en télétravail permanent du fait que je suis aventurière, journaliste et autrice indépendante) mais j’apprécie le cadre de vie. Mon quartier est très calme, je dors bien, je suis tranquille sans mes parents, je me déplace en vélo et en bus, j’ai la mer à deux kilomètres, je fais beaucoup de sport, notamment de la course à pied, et je rencontre plein de nouvelles personnes. Je fais pousser des plantes et des légumes sur mon grand balcon. J’ai repeint quelques murs en blanc, accroché des rideaux aux fenêtres et suspendu de beaux luminaires au plafond.
J’espère que cet état de grâce durera longtemps. Je me plais à Cherbourg, mais pour combien de temps encore ? On sait que je me lasse vite. J’aimais aussi vivre à Paris, au début. Je déteste maintenant les villes, or Cherbourg reste une ville de 80 000 habitants. Je ne peux malheureusement pas emménager à la campagne car je refuse d’avoir une voiture. Je veux me déplacer sans polluer. À terme, mon rêve est d’acheter un bout de terrain pour mettre un tiny house (petite maison en bois) dessus mais je n’ai pas assez d’argent pour cela. J’ai envie de rester dans mon appartement cherbourgeois jusqu’à ce que j’arrive à concrétiser ce projet. Je devrai peut-être attendre des années ou des dizaines d’années, je ne sais pas. Comme je n’ai pas de CDI, je ne peux pas faire de prêt pour acheter un terrain. Tout ce dont je suis sûre, c’est que je veux la nature autour de moi et plus jamais Paris dans ma vie. Je ne comprends pas les gens qui s’y plaisent mais tant mieux pour elleux. J’ai la chance d’avoir toujours mes parents qui habitent dans leur maison en banlieue donc je retourne souvent en région parisienne pour le travail ou les amies. J’ai un endroit où dormir et je peux CHOISIR d’aller à Paris quand je le souhaite, le temps nécessaire.
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’habituer à Paris quand on est journaliste. Au contraire, vivre ailleurs en France permet de s’ouvrir à d’autres réalités et d’avoir d’autres idées de sujets. Au moment où j’écris ces lignes, je vois par la grande baie vitrée de mon appartement des mouettes voler et un bel arc-en-ciel se dessiner dans le ciel nuageux, devant la colline située en face de mon appartement. Ce n’est pas une blague. Je me sens heureuse, chanceuse, sereine et reconnaissante.
Voilà, je clos cet épisode avec ces mots positifs. Je ne le suis pas toujours dans ce podcast alors profitons-en. Merci beaucoup pour votre lecture.
Marie Albert
11 avril 2023
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