Je réponds au harcèlement de rue

Photo tous droits réservés © Marie Albert

Avertissement : cet épisode évoque des violences sexuelles.

Je vous raconte comment je réponds au harcèlement quotidien des hommes cisgenres dans la rue, en tant que féministe traumatisée.

Mon podcast Marie Sans Filtre est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute, ou à cette adresse : anchor.fm/mariesansfiltre

Je découvre le harcèlement de rue à l’adolescence. J’en souffre davantage après mes 20 ans. Je n’ai pas de souvenir précis, sauf une fois à Castres en 2015 (j’ai 21 ans). Deux ados font des bruits de succion dans ma direction, alors que je sors d’un magasin en centre ville. Je suis choquée par leur âge, et dégoûtée par leur action. Je me demande si c’est bien à moi qu’ils s’adressent. 

A l’été 2018, je subis des insultes dans la rue. Un soir, un homme me traite de “Salope” devant mon immeuble à Paris. Je suis alcoolisée mais en colère, alors je me retourne et lui demande des explications. Il s’énerve, me traite de “Sale pute” et menace de me frapper. La dizaine de témoins autour ne bouge pas le petit doigt. Je finis par rentrer chez moi car je me sens impuissante. J’appelle mon copain qui me déconseille d’appeler la police, comme je veux le faire. Il me dit que mon agresseur risque de se mettre en colère et de se venger, si je le fais. Je suis blessée par ses mots et son absence de soutien. Mais j’appelle la police pour me plaindre, et une équipe de flics arrive devant mon immeuble quelques dizaines de minutes plus tard. Mais le groupe de mon agresseur s’est déplacé, donc rien ne se passe. Les policièr·es repartent un peu plus tard et le groupe d’hommes reprend sa place devant mon immeuble. Je les recroise de temps à temps. A ma grande surprise, mon agresseur vient me voir et me présente des excuses quelques mois plus tard, alors que je ne lui ai rien demandé. Je me sens victorieuse.

J’apprends l’autodéfense féministe : vous pouvez lire ou écouter l’épisode 32 de mon podcast Marie Sans Filtre à ce sujet. Après un stage de deux jours d’autodéfense à Paris, je me sens confiante dans la rue. Je n’ai plus peur. D’ailleurs, j’ai l’impression que les hommes me harcèlent beaucoup moins, pendant plusieurs mois.

Et puis, je me rase la tête : vous pouvez lire ou écouter l’épisode 22 de mon podcast Marie Sans Filtre à ce sujet. On m’appelle parfois “Monsieur” dans la rue, les magasins ou les transports en commun. J’ai retiré un attribut de la féminité obligatoire – mes cheveux – donc les hommes cisgenres me harcèlent beaucoup moins. 

Depuis que mes cheveux repoussent, c’est l’enfer. Les gens trouvent que je fais 5 ans de moins que mon âge réel. Je subis de nouveau le harcèlement de rue, notamment lors de mon dernier voyage sur la Côte d’Azur en avril-mai 2022. C’est sûr qu’avec le Covid et les différents confinements, j’avais oublié ce que c’était. Je ne sortais presque plus. Mais je pense que mes longs cheveux jouent un rôle dans ce harcèlement. Et mon jeune âge aussi.

Je tente de me défendre mais les cours d’autodéfense sont loin derrière moi. Je devrais en reprendre. Je me sens extrêmement vulnérable dans la rue – quand bien même ce n’est pas là que j’ai vécu les plus grandes violences de ma vie. D’ailleurs, je viens d’acheter une alarme de poche qui se dégoupille et produit un bruit strident, dans l’espoir d’effrayer et d’éloigner un potentiel harceleur ou agresseur. Je suis terrorisée par les hommes, et j’ai peur de tous. J’angoisse avant de sortir dans la rue, maintenant. Je me sens traumatisée. Je vois une psy tous les 15 jours pour cela.

Théoriquement, je sais casser des genoux, mais concrètement, je suis souvent sidérée par le harcèlement de rue, et je ne dis rien. Etant donné que je suis aventurière et que je voyage seule, j’en subis énormément, et je n’ai pas toujours l’énergie ou la possibilité de réagir. L’autre jour, un mec m’a dit “Casse-toi” dans la rue et je n’ai pas eu le temps de répondre. Il avait l’air tellement énervé que j’avais peur de sa réaction. Qu’il me frappe. 

J’arrive mieux à réagir quand je suis en groupe, ou que je vois des témoins autour qui pourraient m’aider en cas d’agression physique. Si un mec me harcèle dans ces conditions, ou qu’il harcèle une personne autour de moi, j’ai davantage la force de répondre, ou de défendre la personne harcelée. Parfois, je n’ai peur de rien. D’autres fois (la plupart du temps), je ne dis rien et je trace ma route.

Le harcèlement de rue ne disparaîtra pas avec des lois, comme celle à l’initiative de Marlène Schiappa votée en 2018 qui vise majoritairement des hommes racisés, davantage arrêtés et criminalisés par la police française, on le sait. Des collectifs afroféministes ont dénoncé cette loi comme raciste et inefficace, dès sa promulgation.

La rue appartenant aux hommes cisgenres hétérosexuels, les autres personnes, qu’on peut appeler les personnes sexisées, ne font qu’y “passer”, marchant d’un point A à un point B. Elles ne s’arrêtent pas sur un banc, ne stationnent pas à un coin de rue pour mater les passant·es. Tant que nous seront cantonné·es au domestique, à l’intérieur, que l’espace public nous sera interdit, nous ne pourrons faire disparaître le harcèlement de rue, qui n’est qu’une manifestation banale, parmi tant d’autres, du patriarcat. C’est pourquoi j’ai entamé un tour de France à pied contre les violences sexistes, nommé le Survivor Tour. Je marche seule et je veux récupérer cet espace public. J’espère qu’on sera de plus en plus nombreux·ses à le faire et à lutter.

Voilà, je clos cet épisode avec cet espoir.

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Marie Albert

13 mai 2022

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Marie Albert

Aventurière, journaliste et autrice féministe

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