Je pratique l’autodéfense féministe ✊🏻

Photo tous droits réservés © Marie Albert

Mon podcast Marie Sans Filtre est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute, ou à cette adresse : anchor.fm/mariesansfiltre

Après avoir subi nombre de violences sexistes et sexuelles, que je te raconte souvent dans mon podcast Marie Sans Filtre, je décide de prendre ma sécurité en main. D’apprendre à me défendre.

Alors en 2018, je rejoins une association d’autodéfense féministe. Elle s’appelle Loreleï. Elle organise une fois par mois une formation d’autodéfense verbale et physique en non-mixité, à Paris. Le stage de base s’étend sur deux jours et ouvre le droit de participer à des stages de renforcement par la suite. Sara* en est la principale formatrice, à mon époque. Les places sont rares. Je la rencontre lors d’un atelier rapide de trois heures dédié à l’autodéfense verbale, organisé pendant un festival féministe et queer qui s’appelle Comme nous brûlons. Elle m’enseigne la technique de défense verbale dite « des trois phrases » : décrire ce que j’observe, décrire ce que je ressens et décrire ce que je veux. Au besoin, je répète les deuxième et troisième phrases jusqu’à obtention d’un accord, tel un « disque rayé ». Cette technique m’est d’un grand secours, notamment pour sortir du harcèlement sexuel au travail. Lis et relis l’épisode 15 de mon podcast Marie Sans Filtre – « Mon collègue me harcèle, je me défends » – pour connaître cette histoire.

Quelques mois après cet atelier découverte au festival Comme nous brûlons, je m’inscris à un stage de base, organisé à Paris par l’association Loreleï. La formatrice accueille une dizaine de personnes de tous âges, origines et orientations sexuelles. Aucun homme cisgenre ne participe. Ces deux jours modifient mon comportement avec ceux-ci, durablement. Avec l’autodéfense physique, je prends conscience de ma légitimité et de ma capacité à utiliser mon corps pour renverser une situation dangereuse. Je prends confiance en moi et en ma force. Sara m’enseigne comment casser un genou, tirer un pénis, donner un coup avec l’avant-bras et me libérer d’un étranglement. 

Après ce stage, le harcèlement de rue décroît. Je n’y fais plus attention. La peur change de camp. Je passe de quatre apostrophes quotidiennes à une par mois. Je prends un air déterminé qui décourage les harceleurs. Je ne change pas mes habitudes, je sors seule et je marche de nuit dans Paris. La menace patriarcale m’éblouit moins. Sara m’apprend à crier, à dire « stop », à enchaîner des gestes précis avant de casser le genou de l’agresseur. J’ai souffert d’un genou cassé après un match de rugby, je connais la douleur. Impossible de me relever. Ce stage m’éprouve psychologiquement et physiquement, tout comme mes camarades. Je conseille à toutes mes amies de s’y inscrire. Il suffit d’un déclic. Je rêve par la suite de pratiquer la boxe, de participer aux stages de renforcement et de devenir formatrice d’autodéfense féministe à mon tour. Je m’emballe.

Mais un an plus tard, je participe effectivement à un stage de renforcement intitulé “autodéfense en autostop”. Une seule journée pour apprendre toutes les techniques d’autodéfense quand on fait du stop, comme c’est mon cas. De quoi répondre à toutes les personnes qui s’inquiètent pour ma survie en voyage…

Et je me renseigne pour devenir formatrice en autodéfense féministe à mon tour, auprès de l’association Garance en Belgique. Malheureusement, leurs formations sont chères et elles ont été mises en suspens, à cause de la pandémie actuelle. J’attends de leurs nouvelles. J’aimerais vraiment devenir formatrice pour former d’autres personnes à l’autodéfense féministe par la suite, lors de stages. Je pourrai même être rémunérée pour cela ! Je m’emballe.

Concrètement, l’autodéfense féministe m’a apporté la confiance en moi, en mon corps et en ma violence. Je n’ai jamais mis en pratique l’autodéfense physique, mais je me sers très souvent de l’autodéfense émotionnelle ou verbale, pour me sortir de situations angoissantes ou violentes. Je ne me laisse plus faire. 

Ces techniques me sont très utiles en voyage, comme en ville, dans ma vie quotidienne. Je sais répondre aux peurs des autres : “Mais tu n’as pas peur d’être violée et assassinée, toute seule sous ta tente, dans la forêt la nuit ?” Premièrement, cela n’arrivera pas car aucun violeur ne se promène la nuit au fond de la forêt. J’ai déjà expliqué cela dans l’épisode 17 de Marie Sans Filtre, intitulé “#SurvivorTour : je survis seule au fond des bois”. Deuxièmement, je sais maintenant me défendre, donc non je n’ai plus peur. Je sais qu’une bombe au poivre, ou bombe lacrymogène, objet qu’on me conseille souvent de prendre en randonnée, est inutile en cas d’agression. Je peux assommer quelqu’un autrement. Me libérer de sa contrainte simplement. Je rappelle ici une chose essentielle : la fuite est une forme d’autodéfense. Fuir son agresseur, en marchant ou en courant, c’est déjà pratiquer l’autodéfense. Donc vous avez tous·tes déjà pratiqué l’autodéfense. 

Voilà, je vous invite fortement à vous former vous aussi. Et si comme moi, c’est déjà fait, je pense qu’il est important de pratiquer régulièrement, ou plutôt de reprendre des séances de renforcement, car moi j’oublie vite beaucoup de techniques ! Je liste ici un certain nombre d’associations et de collectifs féministes qui peuvent vous former partout en France, mais il suffit de taper “autodéfense féministe” dans n’importe quel moteur de recherche pour en trouver bien d’autres : à Paris et à Montpellier, il y a donc Loreleï. En Belgique, l’association Garance. A Nantes, DIFENN. A Saint-Etienne, le groupe Autodéfense féministe autogéré 42. A Lille, Contrepoing. Ailleurs, il y a Faire Face (en Occitanie), l’association SISTA et Octogone autodéfense (en Auvergne-Rhône-Alpes)…

En période de Covid, la plupart organisent des stages en ligne, mais ce n’est évidemment pas aussi intéressant, à mon sens. Avec la fin des restrictions, tous les stages physiques reprennent petit à petit. Leurs tarifs varient, et s’adaptent aux moyens des personnes participantes.

Je vous souhaite une bonne formation, et longue vie à l’autodéfense féministe. Parce qu’on ne va pas attendre que les agresseurs arrêtent d’agresser, que le patriarcat tombe en lambeaux, pour vivre en sécurité, nous déplacer, et aimer les autres ! Et évidemment, parce qu’on ne peut pas compter sur les forces de l’ordre pour nous défendre 😉

Marie Albert

14 mai 2021

*Le prénom de la personne a été modifié pour respecter son anonymat

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Marie Albert

Aventurière, journaliste et autrice féministe

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