Mes plus gros échecs 🫠

Ce texte est la version écrite de l’épisode 59 de mon podcast Sologamie, qui est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute : https://shows.acast.com/sologamie

Aujourd’hui, je vous raconte les plus gros échecs de ma vie. Il paraît qu’il faut “apprendre de ses échecs” alors faisons-le joyeusement ensemble. Disséquons mes échecs personnels et professionnels !

Je tiens à vous les partager par souci de transparence. Et pour m’alléger la conscience aussi, un peu. Je souhaite les exposer avec bienveillance, pour les arrêter de tourner dans ma tête et de créer des conclusions du type “Je suis une grosse merde” H24. Non, je ne suis pas une grosse merde. Je ne suis pas parfaite, c’est tout.

Aussi, je suis une meuf blanche ayant grandi dans une famille bourgeoise. J’ai quand même coché pas mal de cases dans ma vie : “bonne meuf”, “bonne élève”, etc. Jusqu’à malheureusement devenir féministe ;)) 

Bref, les échecs que je vais vous confier sont donc à la hauteur de ma condition, de mes privilèges… Je vous préviens. Let’s go.

• J’ai grandi dans une famille violente

Certes, ma famille est riche mais elle est aussi violente. J’ai donc grandi avec des parents qui se criaient dessus H24. Ça n’a pas changé aujourd’hui mais je ne les côtoie plus pour ma propre santé. Ma mère passait notamment ses soirées à me dénigrer, me critiquer et me contrôler, quand je vivais avec elle. Aujourd’hui, je mets différentes stratégies en place pour lui résister mais ce n’est pas facile. N°1 : je ne la vois plus et ne lui parle presque plus (plus d’infos dans l’épisode 51 “J’arrête de parler à ma mère” de mon podcast Marie Sans Filtre).

Si vous avez déjà souffert d’emprise, ou vécu une relation violente, je pense que vous me comprenez.

• Mon premier amour m’a larguée comme une merde 

Wow, faudrait que je fasse un épisode de podcast sur ce tocard quand même. Il m’a séduite sur Skyblog et il m’a quittée deux jours après qu’on s’est rencontré·es. Même que c’était mon premier roulage de pelle ! Je me sentais tellement triste, trahie, en colère, honteuse après cette rupture.

D’autant qu’il est revenu un mois après par texto, pour me re-séduire, me re-prendre et me re-larguer au bout de quelques semaines. En fait, il gérait plusieurs meufs en même temps. J’avais 15 ans et lui 14 ANS ! Un mec toxique aussi jeune, quelle tristesse. Je me demande ce qu’il est devenu…

Bref, cette histoire de quelques mois m’a traumatisée. Je me suis promis à moi-même de ne plus jamais “me faire avoir” par la suite. Aucun homme ne m’a jamais larguée depuis. Je largue toujours la première.

• J’ai raté le concours de Sciences Po Paris (pauvre bourgeoise)

Ouais, j’ai passé ce concours hors-de-prix. Mes parents m’ont même payé la prépa qui allait avec. Une semaine de stage pendant les vacances de printemps. Je voulais devenir journaliste et j’avais appris qu’il existait des écoles de journalisme au niveau master. Pour entrer dans l’école de journalisme de Sciences Po Paris, il valait mieux entrer à Sciences Po dès le début.

J’ai donc passé le concours juste après mon bac. J’ai obtenu des notes assez nulles, malgré la prépa. Mais j’ai aussi passé le concours des Sciences Po d’autres villes françaises, et j’ai été prise à Sciences Po Lille, où j’ai fait mes études par la suite. Donc cet échec se termine par un succès !

Après trois ans à Sciences Po Lille, j’ai passé l’oral du concours de l’École de journalisme de Lille (les étudiant·es de Sciences Po n’avaient pas besoin de passer l’écrit) et j’ai été admise. C’est comme ça que je suis devenue journaliste.

• Je n’ai jamais décroché de CDI

Malheureusement pour moi, je ne me suis jamais plu en entreprise. Mon premier emploi après le diplôme de journaliste, c’était un CDD à l’Agence France-Presse (l’AFP), un média très prestigieux. J’ai travaillé dans différents services mais je m’ennuyais pas mal. J’ai toujours détesté obéir à des chef·fes, accomplir des tâches inintéressantes, écrire des articles sur des sujets chiants… Je n’avais aucune liberté. Mon travail n’avait pas de sens pour moi.

En 2018, un collègue m’a harcelée sexuellement et ce fut l’événement de trop. Quand je l’ai dénoncé à ma hiérarchie, elle l’a protégé. Quand mon CDD s’est terminé, il n’a pas été renouvelé, contrairement aux précédents. Moi qui voulais tenir 4 ou 5 ans à l’AFP pour décrocher le graal : un CDI… Moi qui voulais devenir une “vraie journaliste” en CDI… Ce fut un échec cuisant. Je n’ai jamais rappelé l’AFP. J’ai fui avec l’argent de la prime de précarité : je suis partie faire le tour du globe en cargo. Je suis devenue journaliste indépendante (= précaire).

PS. En fait, c’est une fake news ce paragraphe puisque si, j’ai déjà décroché un CDI, maintenant je me souviens. Quand j’avais 19 ans, j’ai travaillé un mois chez McDonald’s et c’était un CDI ! J’ai même démissionné pour aller faire un stage dans un journal, ensuite…

• Mon podcast n’a jamais décollé

En 2019, je deviens journaliste indépendante et je lance mon podcast Marie Sans Filtre, dans lequel je raconte des expériences intimes et politiques. Un an plus tard, je lance Sologamie, le podcast des célibataires qui n’ont besoin de personne. Celui-là même que vous écoutez en ce moment ! À l’époque, je me dis : “Je me donne deux ou trois ans pour percer. Soit mes podcasts, soit mes livres, soit mes articles, soit mes aventures : il va bien y avoir un truc qui va me faire devenir une star !” Je pense que pour durer dans mon domaine, il faut avoir une communauté, du réseau… Il faut être connu·e et reconnu·e par ses pairs. Aujourd’hui, l’audience sur les réseaux sociaux (à partir de 10 000 abonné·es je dirais) facilite beaucoup la recherche de TUNES. Les médias cherchent des gens connus, les maisons d’édition aussi.

Les podcast dégagent de l’argent s’ils font beaucoup d’écoutes. On peut alors mettre des pubs dessus, les faire sponsoriser par des marques ou les faire financer par l’audience, via des cagnottes comme Tipeee ou Patreon… Mais aucun de mes podcasts n’a jamais décollé. J’ai essayé beaucoup de choses dans l’espoir de percer : épisodes toutes les semaines, rediffusions, extraits publiés à l’avance, publicité payante sur Instagram ou TikTok, vidéos sous forme de reels postées chaque mois, invité·es assez connu·es (big up Ovidie)…

Mon record d’audience, c’est 9000 téléchargements d’épisodes en août 2023 pour mon podcast Sologamie. On estime qu’il faut au moins 20 000 écoutes mensuelles pour gagner sa vie avec un podcast. Ayant d’autres activités à côté, je n’ai jamais pu m’investir à 100% dans cette émission. Elle a une audience fidèle mais pas suffisante pour que je gagne ma vie avec. J’ai commencé à mettre des publicités sur mon podcast l’année dernière mais elles me rapportent grand max 50 euros par mois. Plus 50 euros sur mon Patreon (merci aux personnes qui me soutiennent tous les mois), ça fait 100 euros de rémunération pour une à deux semaines de travail par mois. En fait, je perds de l’argent avec mon podcast. Ça fait cinq ans que ça dure et j’en ai marre.

• Toutes les maisons d’édition ont refusé mon premier livre La Puissance

J’ai dû passer par l’autoédition pour faire paraître ce récit féministe de mon tour du globe en cargo. Je l’ai publié en décembre 2022, quatre ans après mon voyage. À ce jour (novembre 2024), j’ai vendu 171 exemplaires de La Puissance et dégagé un bénéfice de 757 euros, ce qui est très peu en comparaison avec le travail que m’a demandé ce livre (quatre ans). Je n’ai même pas gagné un SMIC (environ 1400 euros) avec ! Mais je suis très contente de l’avoir écrit et autoédité. Et je viens de signer dans une grande maison d’édition, Gallimard, pour mon deuxième livre : Le Guide féministe de la rando solo. Je suis en train de l’écrire et il devrait sortir au printemps 2025. Je me suis battue mais j’ai enfin un contrat d’édition !

• J’ai marché 12 kilomètres sur le marathon de Paris

Oui, j’ai terminé le marathon (42 kilomètres) en marchant, avec mon frère Louis qui m’a accompagnée tout du long. C’était en mars 2024. Ma meilleure amie Tara a également terminé la course. Mais je ressens de la honte parce que j’ai arrêté de courir après le trentième kilomètre et que j’ai marché les douze derniers ! Mon objectif initial était de 3h30 de course, puis 4h puis 4h30… Finalement, on a terminé le marathon en 5h30. Je trouve ce chrono lamentable. Mais six mois après, je relativise. J’ai quand même terminé un marathon de 42 kilomètres. Et courir lentement (ou marcher) n’est pas une honte. Désormais, je revendique ma lenteur. Je m’appelle “la tortue misandre”. Je n’aime pas courir (ou marcher) plus de 20 kilomètres et c’est OK. J’arrête de me fixer des objectifs de temps et je prends davantage de plaisir en courant. Je me concentre sur mes sensations.

• Je n’ai jamais arrêté les hommes / Je ne suis jamais devenue lesbienne / J’ai rompu mon voeu de célibat

Je suis couple hétéro depuis huit mois et j’en ai honte parce que je préfèrerais être lesbienne ou célibataire. Oui, je déteste toujours les hommes cisgenres. Mais, en tant que bisexuelle/pansexuelle, je suis aussi attirée par ces hommes et c’est ma malédiction. Je ne suis pas une parfaite misandre.

Je me sens amoureuse d’un homme. Je suis très heureuse dans cette relation. Elle m’apporte de la joie. Alors, est-ce que je peux arrêter de me plaindre ?

• Je n’ai jamais atteint 10 000 abonné·es sur Instagram

J’ai toujours rêvé d’être une star mais je n’en suis pas une. Presque personne ne me connaît sur cette terre. Très active sur les réseaux sociaux, et notamment sur Instagram, je vise l’objectif de 10 000 abonné·es depuis des années mais je ne l’ai jamais atteint. Je stagne depuis des mois à 5000 abonné·es. Pourtant, je me sens bien à ce stade. J’ai le temps de répondre aux messages que je reçois. J’ai suffisamment d’audience pour qu’elle m’aide dans mon travail et dans mes aventures. J’ai l’impression d’être utile pour ma communauté. Et je ne subis pas trop de critiques ni de cyberharcèlement. Au-delà de 10 000 abonné·es, ce doit être plus compliqué… 

• Mon article pour La Déferlante n’a jamais paru / Je n’ai jamais décroché de piges régulières dans un média

En 2022 et 2023, j’ai enquêté sur les violences sexuelles dans les milieux antiautoritaires (ZAD, collectifs et squats militants). J’ai écrit un premier article à ce sujet pour le média Reporterre en 2022. Quelques mois plus tard, j’ai écrit un deuxième article pour la revue féministe La Déferlante, sur le même thème. Mais j’ai fait une erreur : je n’ai pas prévenu ma rédactrice en cheffe que j’avais déjà écrit sur le sujet pour Reporterre. Les deux articles étaient différents mais comportaient de nombreux points communs. Avant le bouclage de la revue La Déferlante, ma rédactrice en cheffe a découvert mon enquête dans Reporterre et a décidé de supprimer mon article dans sa revue car elle souhaitait du contenu “exclusif”. Elle m’avait déjà versé mon salaire pour ce travail mais m’a demandé de le rembourser. Ce que j’ai refusé car il est illégal de rembourser un salaire, en France. Voilà comment je me suis grillée avec ce média féministe que j’adore lire.

De façon générale, toutes mes collaborations avec des médias sont toujours tombées à l’eau. Le magazine GEO Aventure, pour lequel je pigeais, a cessé de paraître. Le rédacteur en chef de We Demain, revue pour laquelle je travaillais, est parti et son remplaçant ne m’a plus jamais commandé de piges. J’ai écrit une fois pour Libération et une autre fois pour Reporterre mais je n’ai jamais réussi à vendre de deuxième article à ces médias. 

Récemment, j’ai travaillé pour le site Madmoizelle mais il vient de licencier tous·tes ses journalistes en poste et restreint fortement le nombre de piges commandées à des journalistes extérieur·es, comme moi. Je dois me battre pour publier de nouveaux articles là-bas ou bien me faire licencier comme la loi l’oblige, avec des indemnités à la clé. Pour l’instant, Madmoizelle résiste aux deux options.

• Je ne gagne même pas 1000 euros par mois avec mon travail

Voilà, tout est dit. Ni mes podcasts, ni mes aventures, ni mes piges, ni mes livres ne me rapportent 1000 euros nets par mois. Je vis de mes économies et des aides sociales comme le RSA (revenu de solidarité active), la prime d’activité et les aides au logement. C’est très frustrant parce que je travaille et que je me sens utile. J’aimerais obtenir un salaire décent en échange de cela mais ce n’est pas encore possible.

• J’ai choisi de vivre seule mais ça ne me rend pas heureuse

Moi qui ai toujours prôné la sologamie, il m’a fallu six ans pour comprendre que ce mode de vie ne me rend pas heureuse. Certes, le célibat et la solitude m’ont été utiles à un moment mais ce n’est plus le cas. Désormais, j’ai envie d’être entourée et de passer du temps avec mes proches. Aussi, je n’ai jamais aimé vivre seule (ni travailler seule) mais ça m’a toujours semblé le seul mode de vie convenable pour moi. En effet, je refuse de faire des tâches domestiques pour quelqu’un·e d’autre et j’ai très peur des conflits dans un foyer (je n’ai pas fui mes parents pour rien). La vie seule me semblait la seule option. Mais j’ai changé d’avis. Je veux vivre avec d’autres gens. Et j’y travaille déjà. Au moment où j’enregistre ce podcast, je reçois mon frère chez moi, à Cherbourg. J’invite de plus en plus de monde à passer du temps dans mon appartement et ça me remplit de joie !

Finalement, ça me soulage de vous avoir dit tout ça. Je pensais que je me sentirais comme une merde à la fin de cet épisode mais en fait non. Je me sens soulagée. “Je ne suis pas parfaite.” Une phrase que m’a conseillée ma psychologue la semaine dernière. J’ai le droit de faire des erreurs, de rater des choses puisque je suis un être humain. La personne qui n’a jamais échoué n’a jamais rien tenté (une phrase de capitaliste américain lol). 

Aujourd’hui, je me sens heureuse dans ma vie, malgré ces échecs. Et même si je me sentais malheureuse, ce ne serait pas si grave. La vie n’est pas une longue ligne droite de “croissance” et de “réussite”. Je galère la plupart du temps avec mes émotions mais je me sens reconnaissante d’être en vie. Je suis légitime sur cette Terre, comme tous les autres êtres humains. J’essaie d’avancer et de prendre soin de moi chaque jour, de ne pas nuire à autrui et c’est déjà pas mal.

Et vous, quels sont vos échecs ? Les avez-vous déjà écrit sur papier ? Je vous jure que ça fait du bien de les extraire du cerveau et de les regarder avec un peu de bienveillance… Même que vous n’êtes pas obligé·e de les dire au monde entier, comme je l’ai fait ici 😉

Allez, je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Sologamie.

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Marie Albert

Aventurière, journaliste et autrice

19 novembre 2024

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