Je fais (encore) une dépression

Photo tous droits réservés © Eléonore Verger

Mon podcast Marie Sans Filtre est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute, ou à cette adresse : anchor.fm/mariesansfiltre

Avertissement : cet épisode évoque la dépression et la santé mentale. 

Bonjour. Tu lis ou écoutes le dixième épisode de mon podcast Marie Sans Filtre. Je l’enregistre le 18 avril 2020 dans ma chambre d’ado, chez mes parents qui habitent une grande maison en banlieue parisienne. Je me sens fatiguée, je me sens triste, je me sens angoissée, je me sens déprimée, je me sens inutile, je me sens nulle. Le confinement se transforme en syndrome de l’imposteure géant : j’ai perdu ma place dans la société, puisque je m’en sens exclue. Mes parents, mon frère, télé-travaillent. Moi je fais quoi ? J’écris. Je dors. J’envoie des mails. Je regarde Sex Education. Je pleure. Aujourd’hui, je te parle de dépression. Il s’agit d’une maladie psychique qui se caractérise, chez moi, par une grande tristesse, un sentiment de désespoir, une perte de motivation, une diminution du plaisir, des troubles alimentaires et du sommeil, et un fort sentiment d’illégitimité. Je pense à la mort mais je n’envisage jamais le suicide. Je me définis comme dépressive. Dans ma vie d’adulte, je vis plusieurs crises dépressives graves. Le confinement actuel en constitue-t-il une nouvelle ? Je ne sais pas. 

Je ne me souviens pas du premier jour de la dépression. Quel jour je me sens plus déprimée qu’un autre ? Je prends des antidépresseurs pour la première fois en octobre 2018, à la suite du harcèlement sexuel que m’impose un collègue, alors que je travaille à l’Agence France Presse. J’évoquerai ce harcèlement dans un prochain épisode. Mon traitement médicamenteux ne dure que deux mois. Les anxiolytiques me détendent. Je repose les pieds sur terre. Les antidépresseurs éloignent la dépression et me transforment en légume. Je ne mange plus, je dors. Je ne réfléchis plus, je perds la mémoire. J’arrête les antidépresseurs lorsque je ne me reconnais pas. Je passe un moment difficile lors du sevrage, en décembre 2018. L’affaire Thomas contrarie ma guérison. Si tu ne connais pas l’affaire Thomas, je te conseille d’écouter l’épisode 5 de ce podcast, qui s’appelle “Je suis amoureuse”. Je ne me sens plus dépressive depuis début 2019, simplement anxieuse. 

Je me souviens du premier jour de la dépression. Automne 2014. Je suis en Russie, j’ai 20 ans, je vis dans une chambre exiguë avec une camarade allemande, sur le campus de l’université situé à une heure en métro du centre de Moscou. Le quartier me déplaît, la météo est grise, j’ai froid dehors. Je ne ressens aucune chaleur dans l’université, les cours m’ennuient et je peine à parler russe. Je quitte mon copain, qui vit en Pologne. Je me sens seule. Je couche avec un Français. Je l’apprécie, pas lui. Il m’évite. L’hiver tombe sur Moscou. Le meilleur ami de mon ex-copain meurt dans un accident à Mendoza en Argentine, où il étudie. Mon ex m’apprend la nouvelle. Je m’effondre. Les semaines passent, je me rapproche de lui. Nous nous retrouvons à Riga en Lettonie pour un week-end. Nous nous remettons ensemble. Mon année en Russie s’adoucit. Je m’échappe régulièrement de Moscou pour retrouver mon copain en vacances en Europe de l’Est. Le froid s’estompe. La dépression me quitte. 

Mon second épisode dépressif intervient un an plus tard. Je quitte définitivement mon copain à l’été 2016. Il s’avère un homme violent avec moi : je raconte notre relation dans l’épisode 4, « Je sors avec un homme violent ». Je me sens seule et déprimée dès lors. Le célibat me pèse. Je travaille dur à l’école de journalisme et à l’Agence France Presse. Je ne me repose pas avant mon opération du genou en septembre 2017. Je consulte des psychologues à Paris, sans donner suite. Je rencontre un nouvel homme au centre de rééducation après mon opération. Je couche avec lui et ne le lâche plus. La dépression me quitte. 

Logo tous droits réservés © Marie Albert

Le troisième et dernier épisode dépressif, je le vis après mon agression sexuelle en mars 2018. Tu peux écouter l’épisode l’épisode 3 de mon podcast, intitulé “Il tente de me violer : je porte plainte”, si tu ne connais pas l’histoire. Je consulte ensuite plusieurs psychologues, psychiatres et psychanalystes sans trouver la bonne interlocutrice. L’une m’écoute sans intervenir, l’autre me fait la morale et me prescrit des antidépresseurs, la dernière se concentre sur mon histoire familiale sans travailler sur mon quotidien. Je recherche un.e psychothérapeute qui pratique la thérapie cognitive et comportementale, une thérapie brève portant sur les interactions entre pensées, émotions et actions. Je souhaite progresser chaque jour, travailler ma confiance en moi et mon anxiété maladive. Il m’est toujours difficile de mettre le mot dépression sur mon état mental. Je préfère en parler au passé. J’hésite à me déclarer bipolaire car aucun médecin ne pose le diagnostic. Je m’estime condamnée à la dépression. J’alterne toute ma vie entre périodes de paix et périodes dépressives. La dépression domine ces dernières années. La faute à qui ? À ma mère ? Au régime vegan ? À la Russie ? À la solitude ? À l’Agence France Presse ? Aux relations toxiques ? À mon cerveau ? Aux violences sexuelles ? À mes gènes ? À ma famille ? Je ne connais pas de personnes suicidées dans la famille, mais nombre de dépressives et anxieuses. Ma petite-sœur semble passive-agressive. Borderline ? Elle craque régulièrement, insulte ses proches, menace de se suicider. Est-elle heureuse ? Je ne pense pas. La colère la consume. Je fuis l’agressivité et le conflit, pour ma part. Je ne m’oppose pas aux ennemi.e.s, je prends sur moi. En bonne maniaque du contrôle, la dépression me cueille lorsque je perds le contrôle. Mon père et ma mère sont-ils dépressif.ve.s ? Iels partagent l’agressivité et se disputent quotidiennement. Je crois que la moitié de l’humanité souffre de dépression et refuse d’ouvrir les yeux. Je cherche des solutions, contrairement à d’autres. L’hypocondrie fait partie de mon lot dépression, stress post-traumatique et anxiété. Cette dernière m’accompagne à chaque minute. Elle m’épuise. Je dors douze heures par jour pour récupérer. La nuit paraît infiniment plus douce que la vie. Je définis ma dépression comme la non-confiance en l’avenir. Je me sens déprimée lors je m’estime incapable d’affronter la dureté de la vie. Je ne ressens plus de plaisir, rien que de la fatigue, d’où mon désir de sommeil permanent. Je ne pleure pas. Je ne trouve plus d’intérêt à la vie, elle prend un goût de douleur et souffrance. Je me sens inutile. Pendant mes épisodes dépressifs, je m’enferme dans la solitude, la jalousie et le ressentiment. Au travail, je ne me sens jamais heureuse, simplement angoissée par mes responsabilités. Le travail aliène, je ne suis qu’un pion. Je vois l’Agence France Presse comme une machine sans espace d’initiative, de liberté ou de relaxation. Mes supérieur.e.s me demandent efficacité, rapidité et discrétion. Je réfléchis à un nouveau mode de vie. Le modèle économique pose question. Je confesse la vraie raison pour laquelle je ne me lance pas à la poursuite de mes rêves : je n’ai pas confiance en moi. Je crains d’assumer mes choix devant d’autres, d’échouer devant d’autres. L’Agence France Presse me protège. Je m’y sens mal à l’aise, or la société m’observe avec bienveillance. Je m’intègre et réponds à la norme. Journaliste indépendante, je doute, je tente, j’échoue. Comment me sentir en sécurité, en paix ? Je suis hyper-efficiente, bipolaire, ou bien j’ai une haute estime de moi, si fragile. Elle casse en deux minutes. 

J’ai écrit cet épisode il y a plusieurs mois. Il devrait figurer dans le roman que je viens de terminer, et que j’ai titré La Puissance. Je cherche une maison d’édition pour le publier, maintenant. Aujourd’hui, j’ai peur que la dépression revienne. Que je sois condamnée à reprendre des antidépresseurs. J’aime la vie et la souffrance, mais parfois je ne les supporte plus. Je consulte une psy tous les quinze jours depuis deux ans, elle m’ouvre les yeux sur mes lacunes. Elle me donne des outils pour sortir des mauvaises passes. Mais le confinement m’enferme avec mes failles et je ne m’en sors pas. 

Tu viens de lire ou d’écouter le dixième épisode de mon podcast Marie Sans Filtre. Je te remercie pour ton attention. Maintenant, je t’invite à participer à ma cagnotte Tipeee, dont tu trouveras le lien dans ma description. Ce podcast est un projet bénévole et je ne peux le poursuivre sans ton aide. Donne moi de quoi payer ma psy 🙂 Merci et à bientôt.

Marie Albert

19 avril 2020

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Marie Albert

Aventurière, journaliste et autrice féministe

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