Je me masturbe 😈

Photo tous droits réservés © Marie Albert

Ce texte est la version Ă©crite de l’épisode 33 de mon podcast Sologamie, qui est diffusĂ© gratuitement sur toutes les plateformes d’écoute, ou Ă  cette adresse https://shows.acast.com/sologamie

J’ai dĂ©couvert la masturbation quand j’étais enfant. J’entends par le mot “masturbation” la pratique de se faire du bien, de se donner du plaisir sexuel sans partenaire. On peut aussi se masturber devant un·e partenaire mais j’y reviendrai tout Ă  l’heure. Quand j’étais enfant et adolescente, j’aimais beaucoup me frotter la vulve contre la selle d’un vĂ©lo ou contre une chaise. Je ne mettais pas le mot masturbation sur cette pratique et je n’appelais pas cela du plaisir sexuel mais maintenant je sais que ça en Ă©tait. Ça me faisait du bien. Cette pratique s’appelle du “humping”. Elle consiste Ă  se frotter les organes gĂ©nitaux contre un objet immobile ou une autre personne. Je n’ai jamais atteint l’orgasme et je ne faisais rien d’autre dans mon intimitĂ©. 

J’ai dĂ©couvert l’orgasme quand j’avais 17 ans. J’étais en couple. C’est mon premier copain qui m’a donnĂ© mon premier orgasme (enfin pas vraiment). L’orgasme, je savais que ça existait parce que je lisais dĂ©jĂ  des livres au sujet de la sexualitĂ© depuis quelques annĂ©es (des livres adaptĂ©s Ă  mon Ăąge) mais je n’avais jamais entrepris de me masturber. Quand j’ai commencĂ© Ă  sortir avec ce mec, j’étais au lycĂ©e et ma libido s’est rĂ©veillĂ©e. On se roulait des Ă©normes pelles et on se chauffait pendant des heures. Il Ă©tait catho et il ne voulait pas faire de pĂ©nĂ©tration avant son mariage donc on pratiquait le sexe sans pĂ©nĂ©tration (de son pĂ©nis dans mon vagin) pendant environ un an. Un jour, j’ai fait du “humping” sur sa cuisse. J’étais allongĂ©e sur lui et je frottais ma vulve (et donc mon clitoris) contre sa jambe. Je ressentais beaucoup de plaisir donc j’ai continuĂ© jusqu’à ressentir une sorte de dĂ©charge Ă©lectrique dans tout mon corps, en plus agrĂ©able. LĂ , j’ai su que j’avais eu mon premier orgasme. Quand je suis rentrĂ©e chez moi, j’ai essayĂ© d’atteindre cet Ă©tat toute seule. J’ai utilisĂ© le jet du pommeau de douche pour jouir. Je le passais sur le capuchon externe de mon clitoris et j’atteignais l’orgasme comme ça.

S’en sont ensuivies des annĂ©es de pratique intense de la masturbation en solitaire. Je jouissais aussi avec mon mec mais j’adorais le faire seule. J’utilisais mes doigts que j’appuyais et frottais contre mon clitoris. Ma technique, c’est d’utiliser trois doigts et de les passer sur ou sous la culotte pour faire un mouvement circulaire et rĂ©gulier autour du capuchon. Le clitoris se gonfle un peu. Dans ma tĂȘte, je pense Ă  un porno que j’ai regardĂ© il y a quelque temps ou je me fais un scĂ©nario X toute seule. L’excitation monte et je peux jouir en quelques minutes.

Mais j’utilise aussi la mĂ©thode de l’“edging”. Elle consiste Ă  retarder l’orgasme en arrĂȘtant la stimulation clitoridienne quelques secondes ou quelques minutes pour la reprendre ensuite. DiffĂ©rer l’orgasme, c’est frustrant, mais la jouissance n’en est que plus forte. J’ai dĂ©couvert cette mĂ©thode, et plein d’autres, sur le site https://www.omgyes.com/. Tout est en anglais mais c’est une plateforme formidable pour apprendre Ă  donner du plaisir Ă  une vulve. C’est payant mais l’abonnement est valable Ă  vie. Cet Ă©pisode n’est pas sponsorisĂ© par OMGYes. Je vous donne juste mon avis. Je ne l’utilise pas assez mais quand j’ai dĂ©couvert cette plateforme, avec toutes ces vidĂ©os de personnes qui montrent comment retarder un orgasme ou le rendre plus intense, j’ai eu l’impression d’entrer dans un monde inconnu et infini. Je me dis tout le temps que je devrais y retourner pour dĂ©couvrir d’autres techniques mais j’ai la flemme.

Au final, j’utilise toujours la mĂȘme et ça me satisfait pleinement. Ce qui me déçoit, c’est les scĂ©narii que je monte dans ma tĂȘte. J’ai beaucoup consommĂ© de porno quand j’étais jeune adulte et que j’ai commencĂ© Ă  me masturber. Pendant une pĂ©riode, je ne pouvais pas atteindre l’orgasme seule sans regarder des vidĂ©os. Je matais ce qu’il y a de pire sur le marchĂ© sur des sites comme Redtube ou Youporn. Vraiment, c’est de la grosse merde, je le sais. A base de femme soumises et de double pĂ©nĂ©tration. Ce qui m’excitait le plus, c’était les gangbangs avec des meufs seules qui se prennent plein de pĂ©nis dans la tĂȘte et dans le sexe. Maintenant, mon cerveau est dĂ©rangĂ©. Je n’arrive pas Ă  m’exciter avec un scĂ©nario Ă©galitaire. Il faut toujours que j’imagine une meuf qui se fait pĂ©nĂ©trer par un mec musclĂ© et puissant (ou plusieurs) alors mĂȘme que je dĂ©teste la pĂ©nĂ©tration pour moi mĂȘme et que ça ne me fait que trĂšs rarement jouir dans la vraie vie. J’ai essayĂ© le porno lesbien, le porno gay, le porno Ă©thique, le porno fĂ©ministe et c’est trĂšs bien, je peux aussi jouir en en regardant. Mais quand je suis seule sans Ă©cran et que je me touche, je vais naturellement penser Ă  une scĂšne hardcore de porno mainstream et c’est ça qui va me faire jouir en deux secondes.

MĂȘme quand je suis avec un partenaire masculin, j’ai souvent besoin de ce scĂ©nario mental pour atteindre l’orgasme parce que les gars sont beaucoup trop nuls avec leurs doigts ou leur langue. Et il m’arrive rĂ©guliĂšrement de me masturber devant un gars, j’aime bien, et lui aussi.

Peu aprĂšs que j’ai dĂ©couvert la masturbation, je me suis intĂ©ressĂ©e aux sextoys : les jouets sexuels. Ma meilleure amie et moi avons toujours Ă©tĂ© curieuses de cette technologie. Je me rappelle qu’une annĂ©e, elle m’a offert des boules de geisha pour mon anniversaire. Je ne les ai jamais utilisĂ©es mais c’était marrant. Mon premier sextoy Ă©tait un tout petit gode noir vibrant qui marche avec des piles. Je l’ai encore, dix ans aprĂšs. Je l’utilise rĂ©guliĂšrement. Non pas pour me pĂ©nĂ©trer avec mais pour le faire vibrer contre mon clitoris et atteindre rapidement l’orgasme. Les annĂ©es suivantes, j’ai achetĂ© divers autres sextoys dont le fameux Womanizer, en version mini. C’est un aspirateur Ă  clito que je positionne sur le capuchon. J’ai l’impression qu’il aspire mon clitoris mais il vibre simplement tout autour, sans le toucher. La premiĂšre fois que je l’ai testĂ©, j’ai Ă©tĂ© choquĂ©e par l’orgasme tellement il est arrivĂ© vite. Presque automatiquement. Je peux enchaĂźner les orgasmes avec cet appareil. C’est mon sextoy favori. Je le conseille Ă  tout le monde. Encore une fois, cet Ă©pisode n’est pas sponsorisĂ© par une quelconque marque.

Il y a quelque temps, j’ai achetĂ© un double stimulateur. C’est le modĂšle Enigma de la marque Lelo. Ce sextoy est pourvu Ă  la fois d’un aspirateur Ă  clitoris et d’un gode vibrant que j’insĂšre dans mon vagin et qui appuie sur mon point G (prĂšs des glandes de Skene). Les orgasmes obtenus sont encore plus intenses. Mais je ne l’utilise que trĂšs rarement parce que je dĂ©teste la pĂ©nĂ©tration et que j’ai la flemme de mettre du lubrifiant. Je prĂ©fĂšre la simplicitĂ© du Womanizer.

Maintenant, je ne m’achĂšte plus de nouveaux sextoys. Je profite des anciens, de mes valeurs sĂ»res. Quand je pars en aventure Ă  pied et que je dors sous la tente pendant des mois, comme c’est le cas sur mon Survivor Tour (tour de France Ă  pied contre les violences sexistes), je n’emporte pas de sextoy dans mon sac et je me dĂ©brouille avec mes doigts. C’est trĂšs bien aussi. D’autant que mon clitoris se dĂ©sensibilise au contacte des sextoys trop puissants comme le Womanizer. Plus je l’utilise, plus il me sera difficile d’obtenir un orgasme simplement avec les doigts. Revenir Ă  des techniques naturelles de temps en temps me permets de reposer mon clitoris, je trouve.

Bref, j’adore la masturbation et ce n’est pas du tout un tabou pour moi donc c’est pour ça que je publie cet Ă©pisode aujourd’hui. On devrait pouvoir en parler librement entre personnes Ă  vulve mais malheureusement ce n’est pas encore le cas. Je ne me masturbe plus trĂšs rĂ©guliĂšrement. Parfois une fois par semaine. Parfois moins. Parfois plus. Ça dĂ©pend des pĂ©riodes. Comme j’ai souffert de douleurs vulvaires (vestibulodynie) pendant de longues annĂ©es, ma libido est un peu morte et je me masturbe moins par rapport Ă  mes jeunes annĂ©es (17-22 ans).

J’aime bien me masturber parce que ça me dĂ©tend. Je m’endors plus rapidement aprĂšs un orgasme. Quand j’ai un rapport sexuel avec quelqu’un, je sais comment me faire jouir et c’est trĂšs important. J’apprends aux mecs comment toucher mon clitoris et j’atteins l’orgasme toute seule en passant mes doigts dessus quand un pĂ©nis me pĂ©nĂštre. Ça rend les rapports hĂ©tĂ©ros un peu moins chiants. 

Mais il n’y a pas que le clitoris dans la vie ! J’ai essayĂ© de me faire Ă©jaculer quand j’étais en voyage sur le cargo, en 2019. J’ai fait le tour du globe sur un bateau cargo et je n’avais que ça Ă  faire (me masturber dans ma cabine) en tant que passagĂšre pendant quatre mois. Comme la plupart des personnes Ă  vulve, j’ai une sorte de prostate appelĂ©e “glandes de Skene”, situĂ©e autour de l’urĂštre, de l’autre cĂŽtĂ© de la paroi vaginale qu’on appelle le point G. J’ai stimulĂ© cette zone longuement avec mes doigts dans mon vagin. Quand je sentais que j’avais envie de faire pipi, j’allais m’installer dans la douche de ma cabine et je me laissais aller, comme si j’allais uriner. Finalement, je ne faisais pas pipi mais j’éjaculais contre la paroi de la douche. Un jet de liquide transparent, mĂ©lange d’éjaculat et d’urine, d’aprĂšs ce que j’ai compris. Quand j’avais mes rĂšgles, ce liquide Ă©tait rose ! J’ai racontĂ© cet Ă©pisode dans mon rĂ©cit du tour du globe en cargo, un livre qui s’appelle La Puissance. Ejaculer ne m’a jamais procurĂ© autant de plaisir qu’un orgasme par stimulation clitoridienne mais c’était trĂšs drĂŽle. Si vous avez le temps et l’envie de tester, allez-y ! C’est gratuit. Je ne me fais plus Ă©jaculer maintenant parce que j’ai la flemme mais peut-ĂȘtre que je retenterai l’aventure avec un·e partenaire, un jour ?

De toute façon, il ne faut pas remplacer l’injonction au silence autour de la masturbation par une injonction Ă  la masturbation. J’ai lu avec attention l’essai DĂ©sirer Ă  tout prix du journaliste Tal Madesta qui parle du capitalisme qui rĂ©cupĂšre les discours fĂ©ministes autour de la sexualitĂ©. Acheter plein de sextoys ne nous rendra pas plus heureux·ses. Et nous n’avons pas besoin de sexe dans notre vie pour nouer des liens forts avec les autres. Au sujet de l’asexualitĂ©, je vous invite d’ailleurs Ă  Ă©couter la journaliste Aline Laurent-Mayard que j’ai invitĂ©e dans l’épisode 20 de Sologamie intitulĂ© “CĂ©lib asexuelle et aromantique”.

VoilĂ , je clos cet Ă©pisode avec ces recommandations. Merci beaucoup pour votre lecture. Si vous avez aimĂ© cet Ă©pisode, je vous invite aussi Ă  le partager avec vos proches ou sur les rĂ©seaux sociaux. 

Merci beaucoup et Ă  bientĂŽt pour un nouvel Ă©pisode de Sologamie.

Marie Albert

10 octobre 2023

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Marie Albert

AventuriÚre, journaliste et autrice féministe

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