Ce texte est la version écrite de l’épisode 49 de mon podcast Sologamie, qui est diffusé sur toutes les plateformes d’écoute : https://shows.acast.com/sologamie
Aujourd’hui, je vous parle des terribles infections urinaires et mycoses vaginales à répétition dont j’ai souffert pendant des années (c’est encore le cas aujourd’hui) et je vous confie mes stratégies pour m’en débarrasser (avec plus ou moins de succès). Ce sujet est politique, féministe et tabou, lié à nos organes génitaux et à la sexualité.
Au mois d’avril 2024, j’ai attrapé ma première infection urinaire (aussi appelée cystite dans la suite de cet épisode) en 5 ans. Je n’avais pas souffert de cystite ni de mycose depuis 5 ans, depuis l’année 2019. Vous vous demandez pourquoi ? Mon corps est très bien fait. Après plusieurs années de cystites et de mycoses à répétition, il a créé de toutes pièces une douleur chronique qu’il (mon cerveau) a envoyé à ma vulve. J’ai souffert de vestibulodynie (cette douleur chronique à la vulve) pendant 5 ans. La douleur m’a empêchée de mettre des pénis dans mon vagin (pénétration vaginale). Or j’attrape des infections urinaires et des mycoses vaginales uniquement quand je mets un pénis dans mon vagin. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Certaines personnes attrapent des infections urinaires sans pénétration. Certaines en buvant simplement du vin blanc ou du champagne, paraît-il !
Mais moi, c’est la pénétration vaginale qui me met en danger. Je vous explique maintenant le processus. Pendant qu’un pénis me pénètre, les frottements déplacent des bactéries depuis mon anus (elles viennent de mon intestin via le rectum) jusqu’à mon urètre (bien malmené par la pénétration). Elles peuvent remonter jusqu’à ma vessie et provoquer une infection urinaire. Car l’urine est stérile : il n’y a pas de bactéries dedans, normalement. Une infection urinaire, c’est donc une invasion de la vessie par une bactérie (souvent Escherichia coli, abrégée E. coli dans la suite de cet épisode) qui se multiplie ensuite. Dans de rares cas, l’infection, si elle n’est pas traitée à temps par des antibiotiques, peut remonter dans les reins et provoquer une infection bien plus grave, et mortelle, qui s’appelle la pyélonéphrite. Tout le monde peut être touché, femmes ou hommes. Mais les personnes à vulve sont bien plus sujettes aux infections urinaires, car leur urètre est bien plus court que chez les personnes à pénis. La bactérie n’a aucun mal à remonter jusqu’à la vessie, du moins dans mon cas.
Je n’ai jamais attrapé de pyélonéphrite. C’est-à-dire que l’infection n’est jamais remontée dans mes reins. J’ai toujours traité mes infections urinaires à temps, avec des antibiotiques, notamment celui qui s’appelle fosfomycine (la marque est souvent Monuril). En une seule prise, cet antibiotique éradique la plupart des infections urinaires débutantes. J’ai commencé à souffrir de cystites en 2013. Je tiens un “Journal de chatte” et je vous invite à faire de même si vous souffrez vous aussi de cystites et/ou de mycoses récidivantes. Dans ce Journal de chatte, je note toutes les dates de mes épisodes de cystites ou de mycoses. Je note aussi les résultats d’examens biologiques, si j’en ai fait (soit une analyse cytobactériologique de mon urine, appelée ECBU, soit un prélèvement vaginal pour analyser ma flore bactérienne), et les traitements antibiotiques (contre l’infection urinaire) ou antifongiques (contre la mycose vaginale) que j’ai pris pour guérir.
Entre 2013, date de ma première cystite (suite à un rapport sexuel pénétratif avec mon copain de l’époque) et 2019, date de mon avant-dernière cystite, j’ai attrapé 9 infections urinaires (=cystite). Ça fait plus d’une par an. Je n’attrapais pas d’infection urinaire à CHAQUE rapport pénétratif, heureusement. Mais ça arrivait régulièrement. Et je souffre énormément de chaque infection urinaire. Je ressens une douleur intense TOUT LE TEMPS, comme si des poignards me transperçaient le vessie H24. J’ai envie d’aller faire pipi très fréquemment, mais quand j’urine, la douleur est décuplée, au point que je pleure, que je gémis… Parfois, mon urine est rose parce qu’il y a du sang dedans, à cause de l’infection.
Après ma première infection urinaire, j’ai pris l’habitude d’utiliser l’antibiotique fosfomycine, que je vous ai présenté plus haut, bien sûr sur ordonnance d’un·e médecin. Le plus souvent, j’essaie de faire une analyse d’urine (ECBU) dans un laboratoire avant de prendre le traitement antibiotique, car cette analyse permet d’isoler la bactérie responsable de l’infection et de tester plusieurs antibiotiques, toujours en laboratoire, sur cette bactérie. Ça s’appelle un antibiogramme. Quand je reçois le résultat de l’analyse d’urine, j’ai déjà pris l’antibiotique et mon infection est normalement passée, mais le résultat me permet de confirmer que j’avais bien une bactérie dans la vessie et que l’antibiotique était le bon pour éradiquer cette bactérie.
Parce que je ne vous ai pas encore dit la meilleure ! Aujourd’hui, de plus en plus de bactéries deviennent résistantes à certains antibiotiques : ça s’appelle l’antibiorésistance. À force d’enchaîner les cystites et la prise d’antibiotiques, je risque de voir mes propres bactéries résister à la fosfomycine. Pour l’instant, ce n’est pas encore le cas, heureusement.
Et il y un autre problème lié à la prise d’antibiotiques. Un antibiotique détruit beaucoup de bactéries : celles responsables de mon infection ET celles naturellement présentes dans ma flore intestinale et ma flore vaginale. Pendant et après une prise d’antibiotique, quelle qu’elle soit, il est INDISPENSABLE de recoloniser les flores intestinale et vaginale avec des bonnes bactéries. Pour cela, on peut ingérer des probiotiques. En vente libre en pharmacie et sur internet, ces bactéries recolonisent mes flores et empêchent la MYCOSE.
Or peu de médecins pensent aux probiotiques : il n’en existe pas de pris en charge (et donc remboursés) par la Sécurité sociale et puis je pense que la plupart des médecins se concentrent sur mon infection urinaire, mais n’en ont rien à faire de la mycose vaginale qui suit la prise d’antibiotiques.
Mais moi, pendant les dix dernières années, j’ai attrapé beaucoup de mycoses vaginales, dont les symptômes sont des démangeaisons ATROCES au niveau de la vulve du fait d’un ou de plusieurs champignons qui se développent en toute détente dans mon vagin une fois ma flore vaginale décimée par l’antibiotique fosfomycine. J’ai donc souffert de cystites + de mycoses dans le même temps. C’était un enfer. Pour soigner la mycose vaginale, il me fallait ensuite retourner chez le·a médecin pour lui demander un traitement antifongique (contre les champignons) : souvent un ovule à placer dans le vagin, le soir au coucher, pendant plusieurs jours, accompagné d’une crème antifongique dont je me badigeonnais la vulve.
Quand j’ai découvert l’existence des probiotiques, bien trop tard, j’ai pu éviter les mycoses vaginales post-cystite. J’ai pu recoloniser ma flore vaginale avec des bonnes bactéries. Mais ça m’a pris beaucoup de temps : ma flore était profondément déséquilibrée. Entre 2015 et 2018, j’ai attrapé au moins quatre mycoses vaginales qui m’ont fait beaucoup souffrir. Certaines sont apparues sans infection urinaire préalable, sans rapport sexuel pénétratif. Ma chatte était juste très fragile. Les champignons vivaient leur meilleure vie dans mon vagin. En mai 2017, j’ai même dû arrêter de travailler pendant deux jours tellement la mycose m’a défoncée. Les démangeaisons étaient insupportables.
En même temps que j’ai découvert les probiotiques, j’ai testé plein de remèdes “naturels” pour soigner cystites et mycoses : je voulais me passer des antibiotiques et des antifongiques produits par l’industrie pharmaceutique. Voici une liste non exhaustive de tout ce que j’ai essayé pour me soigner “naturellement”, grâce aux plantes, à la naturopathie, à l’homéopathie, etc. : l’argent colloïdal, la cranberry, la bouillotte, le D-mannose, la tisane de bruyère, l’aloe vera, le curcuma, le gingembre, le jeûne, le psyllium, l’Ausilium crema, l’homéopathie, l’étiopathie, les huiles essentielles d’arbre à thé (tea tree), d’eucalyptus et d’origan, l’huile de coco, le bicarbonate de soude, le vinaigre de cidre et l’argile verte. Ces traitements (dont aucun ne m’a finalement épargné la prise d’un antibiotique ou d’un antifongique) m’ont coûté des centaines, des milliers d’euros, au moins.
Pendant mes années “sombres”, j’ai rejoint des groupes Facebook sur lesquels des victimes d’infections urinaires à répétition partageaient leurs dernières découvertes (plus ou moins) scientifiques sur le sujet, quel nouvel ingrédient ou produit elles testaient pour se soigner… Un sucre appelé D-mannose était soi-disant miraculeux. J’en ai acheté. Autres recommandations fréquentes : il suffirait d’aller uriner après chaque rapport sexuel pour éviter l’infection, ou bien de porter des sous-vêtements en coton, ou bien de s’essuyer d’avant en arrière après un passage aux toilettes… J’ai tout essayé, j’ai tout appliqué. Aucune stratégie n’a fonctionné dans mon cas.
Aujourd’hui, les traitements “flash” anti-cystite à base de cranberry, de bruyère ou de D-mannose, vendus en pharmacie sans prise en charge de la Sécurité sociale, sont assez chers (au moins 10€ le traitement pour 7 jours). J’en achète pourtant encore régulièrement. Notamment récemment, quand j’ai attrapé une nouvelle infection urinaire au mois d’avril. Les probiotiques sont aussi chers (au moins 20€ la boîte de 30).
Le seul traitement miracle que j’ai trouvé pour m’épargner des cystites et des mycoses à répétition, c’est l’abstinence sexuelle, tout simplement. Plus de pénétration d’un pénis dans mon vagin, jusqu’à nouvel ordre. Seule ma vestibulodynie, cette douleur chronique dont j’ai souffert pendant cinq ans et dont j’ai abondamment parlé dans les épisodes précédents de mon podcast Sologamie, m’a aidée dans cette abstinence. J’avais mal à la vulve H24, oui, mais je n’attrapais plus de cystite ni de mycose. Mon cerveau était fier de lui.
Vestibulodynie = plus de pénétration = plus de problème
En 2022, j’ai éradiqué ma vestibulodynie, qui m’empoisonnait quand même la vie (épisode “Comment j’éradique mes douleurs sexuelles” de mon podcast Sologamie). Cette douleur chronique a progressivement disparu. En 2024, j’ai recouché avec un ex. On est sorti·es ensemble. Il a mis deux fois son pénis dans mon vagin. La deuxième fois, hop, j’ai attrapé une infection urinaire. Ma première en cinq ans de temps.
Quand j’ai voulu prendre un sachet de fosfomycine (l’antibiotique) pour me soigner, j’ai trouvé un exemplaire périmé depuis trois ans dans ma trousse à pharmacie. J’ai pourtant avalé son contenu aussitôt, dilué dans un grand verre d’eau. Après quelques heures de douleur, les symptômes ont progressivement disparu et j’ai pu m’endormir. Mais le lendemain et les jours suivants, je ressentais toujours une douleur quand j’urinais. Sans doute que l’antibiotique périmé n’était plus efficace. Alors j’ai pris rendez-vous avec une médecin et je lui ai raconté mon histoire. Elle m’a prescrit une analyse d’urine (ECBU) et un antibiotique différent à prendre pendant cinq jours d’affilée cette fois. Je me suis exécutée.
J’ai fait l’analyse d’urine qui a confirmé qu’une bactérie était toujours dans ma vessie, mais ce n’était pas E. Coli cette fois : j’ai fait la connaissance de la bactérie Citrobacter koseri, ça vous dit quelque chose ? Moi non. L’antibiotique que j’ai pris s’appelait Selexid (c’est la marque) : la molécule à l’intérieur est le pivmécillinam. Il a bien détruit la bactérie dans ma vessie et l’infection urinaire a disparu. J’ai ingéré pas mal de probiotiques en parallèle pour éviter la mycose vaginale. Ensuite, je suis partie en vacances dans les îles anglo-normandes (Jersey et Guernesey) avec mon frère Louis mais je me sentais toujours stressée par ma vessie. Je ressentais encore une gêne quand j’urinais.
À mon retour en France, j’ai fait une analyse d’urine pour me tranquilliser. Elle a confirmé que l’infection n’était plus là. Je suis en bonne santé. Pourtant, je me sens toujours préoccupée. Je compte le nombre de fois que je fais pipi par jour. Je ressens parfois un léger picotement quand j’urine, ou bien une pression sur la vessie le reste du temps. J’ai pris rendez-vous avec ma médecin qui m’a rassurée et m’a confirmé que ma gêne est surtout d’origine psychologique. Je ne cours aucun danger.
Je comprends que mon cerveau veut, une nouvelle fois, me protéger des infections urinaires à venir, car elles me font beaucoup souffrir. Alors il a remplacé la vestibulodynie mais cette gêne dans la vessie, comme une signal d’alarme : “Ne couche pas avec cet homme”, “Ne fais plus de pénétration”, “Fais attention”. J’ai entendu mais je veux chasser cette paranoïa, désormais. Je suis en sécurité. Je ne mets plus de pénis dans mon vagin. Avec mon amoureux, on fait du sexe autrement. On utilise davantage de lubrifiant. Je crains de retomber malade mais je calme mes angoisses avec la méditation, la visualisation, l’activité physique… J’utilise les mêmes stratégies que pour soigner ma vestibulodynie en 2022.
Si j’attrape une autre infection urinaire, ou mycose vaginale, un jour, j’ai déjà toute la pharmacie nécessaire chez moi (et pas périmée). J’ai les connaissances et les ressources pour me soigner en sécurité. Je dois prendre confiance en moi sur ce sujet. Le dernier truc qui me soûle, c’est que les mecs ne participent pas à mes dépenses de santé. Cette année, j’ai déjà dépensé 150€ en probiotiques, gélules de cranberry et autres. Mon nouveau mec, lui, il n’a rien payé. Et ça m’énerve parce que son pénis est (in)directement responsable de mon malheur. Et vous, souffrez-vous de cystites ou de mycoses récidivantes ? Comment les soignez-vous ? Comment voyez-vous l’avenir ?
Voilà, je vous laisse avec ces questions. Écrivez-moi sur Patreon ou sur Instagram pour réagir. Moi, je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Sologamie.
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Marie Albert
Aventurière, journaliste et autrice
18 juin 2024
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