
Mon podcast Marie Sans Filtre est diffusĂ© sur toutes les plateformes dâĂ©coute, ou Ă cette adresse : anchor.fm/mariesansfiltre
Jâai abandonnĂ© le soutien-gorge et lâĂ©pilation Ă lâĂąge de 20 ans. Avant ça, je nâĂ©tais pas fĂ©ministe, je portais un soutien-gorge tous les jours depuis ma pubertĂ©, et je mâĂ©pilais presque intĂ©gralement le corps. Jâavais les cheveux longs et je me maquillais. Mais un beau matin, j’ai tout arrĂȘtĂ© et les poils ont repoussĂ©. Vous dĂ©couvrirez dans cet Ă©pisode pourquoi, et quel retour de bĂąton j’ai reçu…
- Ma pubertĂ© : vite, demander Ă ma mĂšre une brassiĂšre, puis un soutien-gorge et un Ă©pilateur Ă©lectrique ou un rasoir, pour mâĂ©piler les jambes et les aisselles.
- Mon adolescence : mieux, acheter un beau soutien-gorge avec mes copines, de belles culottes chez Undiz et me raser le pubis en ticket de métro pour la piscine et la mer.
- Mes relations hétéros : pour un homme, porter le plus beau des soutiens-gorge, un joli string inconfortable, et me raser intégralement le pubis et la vulve.
- Mon arrivĂ©e Ă Lille : avec mon amie Maud, nous dĂ©cidons sur un coup de tĂȘte dâarrĂȘter de porter un soutien-gorge. Un dĂ©fi lancĂ© pendant nos cours interminables en amphithĂ©Ăątre Ă Sciences Po Lille.
Au dĂ©but, nous avons du mal Ă supporter la sensation des t-shirts et pulls sur nos seins nus, ainsi que le regard des autres (mais câest lâhiver, donc personne ne remarque rien). Mais trĂšs vite, nous nous habituons et apprĂ©cions notre nouvelle libertĂ© de mouvement. Depuis ce jour, nous nâavons plus jamais portĂ© de soutien-gorge. CâĂ©tait en 2013 ou 2014, je ne sais plus.
Aujourdâhui, je suis incapable de supporter le moindre soutien-gorge. Je ne consens Ă porter une brassiĂšre quâau moment de faire du sport : quand je pars courir par exemple. Mais cette brassiĂšre mâest inutile quand je fais de la randonnĂ©e (comme mon Survivor Tour), du vĂ©lo ou du yoga. Du cĂŽtĂ© des maillots de bain, je pratique le âtop lessâ, comme on dit. Je porte un bas de maillot, mais pas de haut. Cela me vaut quelques dĂ©convenues en public⊠A la piscine municipale, câest par exemple interdit.
Sachez que le fait de ne pas porter de soutien-gorge au quotidien, pour une femme, sâappelle le âno braâ. Cette pratique est plutĂŽt Ă la mode, du moins pour les femmes qui comme moi, sont cisgenres, blanches, jeunes, cĂ©libataires, minces (petits seins), valides et bourgeoises.
Jâai arrĂȘtĂ© les strings dĂšs lâarrivĂ©e de ma vestibulodynie, en 2017. Cette douleur chronique Ă la vulve mâempĂȘche mĂȘme de porter une culotte, quelle quâelle soit, sauf quand je fais du sport, car je souffre intensĂ©ment. On pourrait donc dire que je pratique aussi le âno pantiesâ…
Mon rapport Ă lâĂ©pilation est plus compliquĂ©. Jâai arrĂȘtĂ© de mâĂ©piler les jambes il y a 4 ou 5 ans, je pense. Je nâai pas beaucoup de poils sur les jambes, ils ne se voient presque pas. Comme lâĂ©pilateur Ă©lectrique est un instrument de torture que je dĂ©teste, je mâen suis dĂ©barrassĂ©e assez facilement. Personne ne mâa jamais fait de remarque au sujet de mes poils de jambe.
Au mĂȘme moment, jâai arrĂȘtĂ© de mâĂ©piler rĂ©guliĂšrement les aisselles, au moyen dâun rasoir. Auparavant, je me rasais toutes les semaines. Mais jâai progressivement allongĂ© les pĂ©riodes sans rasage, et mes poils noirs, drus et fournis des aisselles sont apparus au grand jour, mĂȘme en Ă©tĂ©. Jâai continuĂ© Ă me raser lorsque jâestimais que mes poils Ă©taient âtrop longsâ, ou que je voulais plaire Ă quelquâun, ou bien sortir Ă la merâŠ
MĂȘme chose pour ma chatte : jâai arrĂȘtĂ© de me raser le pubis. A une Ă©poque, je passais mĂȘme des heures Ă enlever mes poils avec une pince Ă Ă©piler, je me souviens⊠Jâai arrĂȘtĂ© tout ça, mais de temps en temps, je continuais Ă couper, avec un ciseau, les poils âtrop longsâ de mon pubis et ma vulve. En maillot de bain, ils dĂ©bordent de partout.
Maintenant, jâessaie de mâen foutre. Deux Ă©vĂ©nements âtraumatisantsâ mâont amenĂ©e Ă abandonner lâĂ©pilation :
- A lâĂ©tĂ© 2019, jâai rasĂ© lâintĂ©gralitĂ© de mes poils de pubis et dâaisselles pour plaire Ă un mec (qui nâen avait rien Ă foutre que je sois Ă©pilĂ©e ou non, mais passons), alors que jâĂ©tais en vacances au soleil avec lui. A la suite de ce rasage, je me suis sentie nue et fragile (sans mes poils qui me protĂšgent), jâai souffert de la repousse des poils (extrĂȘmement dĂ©sagrĂ©able) et le mec en question mâa fait un cunnilingus super nul (aucun rapport mais bon).
- Depuis que je souffre de vestibulodynie, jâai lâimpression que mes poils de vulve me protĂšgent. DĂšs que je les coupe ou rase un peu, mon vestibule (partie de peau Ă lâentrĂ©e du vagin, situĂ©e sur la vulve) me fait souffrir le martyr, et je me dis que jâaurais dĂ» garder mes poils. Lâautre jour, je me suis promis de ne plus jamais mâĂ©piler, raser, ou couper les poils. On verra si je tiens, avec mes tignasses sous les aisselles et sur mon pubis.
Je rappelle simplement que les poils pubiens ont un rĂŽle trĂšs important dans notre protection contre les maladies, les infections, et toutes les irritations sexuelles. Ils font office de rempart et sâen dĂ©barrasser peut encourager tout ce que je viens de citer. Vous faites bien sĂ»r ce que vous faites de votre corps, mais je vous invite Ă lire les livres Au bonheur des vulves, Ă©crit par Camille Tallet et Elise ThiĂ©baut, et Prenez soin de votre microbiote vaginal, Ă©crit par Etienne Ricat et Jean-Marc Bohbot, pour parfaire votre connaissance sur le sujet, et ainsi Ă©viter au maximum les infections urinaires, mycoses, et autres vestibulodynies. NĂ©anmoins, si vous attrapez un de ces maux, vous nâĂȘtes pas responsable, seul le patriarcat lâest. A ce sujet, vous pouvez Ă©couter un autre Ă©pisode de Marie Sans Filtre, qui sâappelle âJe survis au mauvais sexeâ.
AprĂšs avoir abandonnĂ© le soutien-gorge et lâĂ©pilation, jâai subi quelques attaques sexistes, bien sĂ»r. Ma mĂšre, qui sera prochainement le sujet dâun Ă©pisode de podcast Ă elle seule, a tout essayĂ© pour me convaincre que âcâest malâ, que âcâest mocheâ et que âmes seins vont tomberâ, etc. Pour rappel, aucune Ă©tude ne prouve scientifiquement et indubitablement que le port du soutien-gorge empĂȘche les seins de tomber – naturellement – vers le sol, lorsquâon vieillit. Au contraire.
Dans la rue, je me rappelle quâun groupe de jeunes hommes mâa lancĂ© une insulte (mais je ne sais plus laquelle) quand ils ont vu que j’avais des poils sous les bras. Je nâai pas rĂ©pondu. Depuis, je me suis fait tatouer un doigt dâhonneur sous mon aisselle gauche (ce nâest pas une blague).

Et jâai aussi (presque) abandonnĂ© le maquillageâŠ
En conclusion, nous recevons certainement des insultes, des critiques et des injonctions lorsque nous abandonnons le soutien-gorge (par confort, par exemple) ou lâĂ©pilation (par confort et hygiĂšne, dans mon cas), car la sociĂ©tĂ© ne supporte pas les dĂ©viant·es. Elle empĂȘche nos corps dâexister, tout simplement. Mais tous les privilĂšges dont je bĂ©nĂ©ficie, et que jâai citĂ©s plus haut, me permettent de mâen sortir relativement bien, et de poursuivre dans cette voie, sans soutif ni rasoir. Je travaille de chez moi, je nâai pas de mec et je reste âbelleâ aux yeux du patriarcaca.
VoilĂ , je clos cet Ă©pisode avec ces conclusions.
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Marie Albert
8 avril 2022