Je l’appelle le FIL. Flux instinctif libre, en abrégé. Les anglophones disent “free flow instinct” – FFI – c’est joli aussi.
THÉORIE.
FIL = instinct ? Le flux instinctif libre consiste à retenir le sang menstruel dans son vagin pour le libérer dans la cuvette des toilettes au moment choisi.
La démarche n’a rien d’instinctif au départ. Je suis habituée à utiliser des protections périodiques – serviettes, tampons, cup, culottes menstruelles – depuis ma puberté. Comment m’en passer ? Avec de l’entraînement, ai-je lu sur internet.
FIL = exercice ? Il faut entraîner son périnée – un muscle central – tout simplement. Après quelques mois d’exercices, retenir le sang menstruel peut devenir instinctif, racontent certain·e·s pratiquant·e·s.
Surprise, j’ai découvert que mon périnée retient déjà une partie du sang dans mon vagin, car il est très tendu depuis quelques temps (lire ci-dessous mon histoire). Nous ne partons pas avec les mêmes prédispositions, toi et moi. Mais le FIL est accessible à toutes les personnes menstruées, quelque soit leur flux.
FIL = liberté ? Plus de protections périodiques , plus d’angoisse de la “tâche”, mais un besoin urgent d’aller aux toilettes toutes les 1 à 3 heures, lorsque le sang remplit le vagin. Je sens à quel moment il faut libérer mes menstrues et mieux vaut disposer de sanitaires à proximité. C’est alors un plaisir immense de sentir le sang couler entre mes jambes, en toute liberté.
FIL = anti-douleur ? Le flux instinctif libre ne diminue pas les crampes menstruelles, qui sont provoquées par l’utérus, et sa pratique ne doit pas créer de nouvelles douleurs. Ecoute ton corps et sois patient·e. Le vagin ne possède pas de sphincter contrairement à la vessie ou l’anus. Le flux instinctif libre, ce n’est pas automatique. Après plusieurs mois d’exercices, tu peux te débarrasser des irritations dues aux serviettes périodiques, et de l’inconfort des culottes. Je me promène souvent fesses à l’air.
PRATIQUE.
ELLE AIME BEAUCOUP | Marie a 31 ans et pratique le flux instinctif libre depuis “quatre ou cinq mois”. Pourquoi ? “Je voulais limiter mon utilisation des protections périodiques”. Marie souffre d’endométriose , une maladie chronique qui lui déclenche des “règles hémorragiques”. Or “les tampons bloquent le flux pendant plusieurs heures”, explique t-elle. Elle se méfie également de leur composition : “Ils contiennent des substances nocives.” Et les serviettes ? “Moins il y a de contact entre mes règles et moi, mieux c’est.”
Après s’être renseignée sur le flux instinctif libre, Marie a tenté d’abandonner les protections. “La première fois, je me suis dit que c’était impossible, qu’on ne pouvait pas contrôler le sang.” A sa grande surprise, elle parvient à contracter son périnée, puis à le relâcher aux toilettes pour éliminer le sang. “J’y vais toutes les deux heures, détaille-t-elle. Je ressens quand ça va couler.” À l’écoute de son corps, Marie garde une serviette dans sa culotte : “Ça me rassure. Mais j’en utilise beaucoup moins, notamment la nuit.”
Son flux menstruel se tarit naturellement pendant son sommeil. A l’aise pour parler menstruations, la militante confie pourtant qu’elle “n’aborde pas le sujet du flux instinctif libre autour d’(elle)”. “Je pense que ce n’est pas faisable par tout le monde, cela dépend du périnée de chacun·e.” Consciente de sa tonicité, Marie ne se sent pas “contractée”. “Je conseille aux personnes menstruées d’essayer”, à condition d’être motivé·e. “J’aime garder le contrôle sur moi, souligne-t-elle. Le flux instinctif libre peut être une avancée. On a été formaté·e·s à utiliser des tampons.” Elle se sent plus libre.
J’AIME MOINS | Et moi je suis coincée. Je m’appelle aussi Marie, j’ai 24 ans et j’écris pour Cyclique depuis ses débuts. Je souffre d’une autre pathologie chronique, la vestibulodynie. Mon périnée est contracté en permanence, me causant de fortes douleurs à l’entrée du vagin, pendant les rapports sexuels comme dans la vie quotidienne. Je dois me rendre chez une kinésithérapeute spécialisée chaque semaine, pour détendre mon périnée.
Et j’ai découvert il y a plusieurs mois que je pratiquais le flux instinctif libre sans l’avoir décidé. Mes serviettes lavables sont moins imbibées qu’auparavant. Sur le siège des toilettes, je remarque que je décontracte mon périnée involontairement pour faire pipi. Au même moment que mon urine – ou quelques secondes après – mon sang s’écoule en quantité dans la cuvette. Je dois parfois passer dix minutes sur les toilettes pour que mon flux se tarisse. Il est lent et laborieux, du fait de mon périnée contracté.
Ce flux instinctif libre involontaire me satisfait, car mes règles sont moins hémorragiques et plus prévisibles. Si je parviens à soigner ma vestibulodynie, je garderai toujours une bonne tonicité du périnée et j’espère pratiquer le FIL en l’ayant choisi. Car chez moi, il n’est pas libre du tout : je l’appellerai simplement flux instinctif. Si tu décides d’essayer le FIL, reste libre, à l’image de l’autre Marie. Si cela ne te convient pas, il te reste les multiples protections périodiques externes et internes pour trouver chaussure à ta vulve.
Marie Albert
2018 – Cyclique.fr
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